Virtual Business dans le secteur du Luxe et de la fashion : une tendance ancrée sur la durée ?

 

Avec la crise liée à la pandémie mondiale du virus Covid-19, la manière de consommer de la population mondiale a radicalement changé. La plupart des secteurs, et notamment celui du luxe, ont été touchés par une baisse massive de leurs ventes au cours du premier trimestre 2020. Néanmoins, de nouveaux outils de communication et de marketing sont apparus en Chine tentant de pallier à ce manque et de raviver les ventes.  Nous avons ainsi observé une amplification du phénomène des “virtual businesses” sur le marché chinois, se développant ces derniers mois dans les pays occidentaux touchés à leur tour. Qu’entendons-nous par « virtual business » ? Il s’agit là de la virtualisation du parcours d’achat des consommateurs, à savoir showrooms virtuels et lives streaming.

Article en chinois : 奢侈品及时尚界的电子商务:扎根长寿的趋势?

 

Virtual Showroom, une immersion dans nos stores préférés en 3D

Le nombre de fréquentation des lieux de retails physiques ayant été réduit à néant dans le cadre de la pandémie de coronavirus, les marques et grands centres commerciaux ont ainsi dû trouver une parade. Grâce à l’intelligence artificielle et à la réalité virtuelle ces enseignes ont permis la visite de leurs magasins. Les consommateurs peuvent ainsi déambuler de façon virtuelle dans un centre commercial via un mini-programme sur l’application mobile chinoise Wechat. Depuis le 27 mars 2020 le centre K11 de Canton permet aux visiteurs de profiter du lieu, d’entrer dans les différentes enseignes du centre et zoomer sur les produits qui les intéressent. Comme dans un vrai centre commercial, les clients peuvent ainsi sélectionner et acheter les différents items proposés. En cliquant sur l’objet, le visiteur est transféré par un lien sur la plateforme d’e-commerce partenaire de la marque. En un mois, le centre virtuel a reçu la visite d’un total de 200 000 visiteurs. Calvin Klein a ainsi lancé en février 2020 un virtual showroom, permettant à ses consommateurs de visiter son magasin de Shanghai depuis chez eux.

Cette démarche permet de consulter le parcours d’achat du consommateur. Tout comme il est possible d’arpenter les villes à l’autre bout du monde grâce aux différentes applications cartographiques, on pourra dorénavant faire son shopping en se promenant dans son magasin préféré sans même sortir de chez soi. Tout ceci présuppose que l’entreprise ou la marque investissent dans ce type de programme, que les objets soient mis en valeur lors de la visite et enfin correctement reliés au site d’e-commerce du groupe. En effet, on peut aisément imaginer la difficulté que représente la valorisation de vêtements suspendus. Il faut par conséquent être dans la capacité de réinventer le merchandising dans le retail.

En France, Dior propose ainsi à ses clients une visite virtuelle à 360° en 3D de l’un de ses magasins parisiens Dior Maison, situé au 52 avenue des Champs-Elysées dans le 8ème arrondissement. Les visiteurs peuvent se promener dans le magasin, sélectionner et acheter des parfums, savons et bougies.

 

 

Live-streaming, de l’achat des dernières collections à la visualisation des défilés

Le Live Streaming est apparu en 2016 en Chine et a depuis évolué pour devenir une arme massive de vente en ligne. Lancé par la plateforme d’e-commerce Taobao du groupe Alibaba et bientôt suivi par les grands acteurs de l’e-commerce chinois, le live streaming se positionne aujourd’hui comme un atout de taille dans la promotion et la vente des produits de diverses marques. 

Selon le schéma suivant de l’agence de big datas chinoise iiMedia Research, le marché du live-streaming chinois en 2019 est de 434 milliards de RMB et estimé à 961 milliards de RMB pour 2020.

Le « t-mall collection show », pour citer un exemple, vente en live-streaming organisée sur la plateforme Tmall de l’entreprise Alibaba lors de la fête du 11 novembre (双11) en 2019, a ainsi obtenu un nombre historique de 87,8 millions de vues en seulement un jour. Le site Taobao, selon Alizila, aurait aujourd’hui près de 4 000 présentateurs, produisant de façon journalière 150 000 heures de vidéos. Plus de 600 000 produits sont ainsi proposés à la vente aux consommateurs à travers le livestream sur le site internet.

Le live-streaming pourrait être comparé à une sorte de télé-shopping, bien que possédant quelques différences majeures avec le programme que nous connaissons tous. En effet, le présentateur du produit est un influenceur, un directeur d’entreprise, un acteur ou encore une star. Ce dernier va ainsi présenter en direct, via une application de streaming, son produit et le proposer à la vente à des prix défiants toute concurrence. Plus le présentateur sera connu, plus les prix proposés seront bas. Le concept se base sur la technologie du « see now, buy now », permettant au consommateur de choisir, d’obtenir des informations supplémentaires et de commander des produits en temps réel. Si le produit plait au client potentiel, celui-ci peut l’acheter directement en cliquant sur un lien. 

Kim Kardashian West a choisi l’influenceuse chinoise Viya Huang pour présenter les produits de sa marque de beauté KKW Perfume dans le cadre du “ t-mall collection show”. Cette entrée fracassante sur le marché chinois a déclenché en quelques minutes de live stream la vente de  l’intégralité de ses produits, soit plus de 15 000 parfums.

Les marques de luxe européennes, alléchées par l’idée de profits rapides se sont ainsi emparées du phénomène dans le but d’amoindrir les pertes engendrées par la non visite des différents retails physiques. La marque Burberry a ainsi invité l’influenceuse Yvonne Ching à livestreamer sa visite dans l’un de ses magasins shanghaiens, engendrant 1,4 millions de vues sur la plateforme Tmall et le sold-out de la plupart des produits présentés. La marque Louis Vuitton a également suivi le mouvement. Le 26 mars 2020 marque son premier livestream sur la plateforme Little Red Book 小红书 mené par les influenceuses Yvonne Ching et Zhong Chuxi. Au delà d’une simple présentation de leur dernière collection, les fashionista ont donné des conseils de style sur la façon de porter les différents items.

On peut toutefois se poser la question de la viabilité de ce type d’initiatives pour les marques de luxe. Effectivement, le principe de promotions fortes va à l’encontre de la valeur fondamentale des marques de luxe qui peut engendrer la perte de leur image. Le luxe peut-il se permettre de suivre le principe de base du live-streaming sans ajustement préalable?

Pour Della anciennement chargée de Live-streaming chez Mood :

“La stratégie de LVMH est forcée car il était extrêmement laborieux de vendre en ces temps difficiles. Le groupe a donc choisi sacrifier son image de marque au profit de la vente. Pour vendre en live-streaming, il est difficile de rester authentique comme on l’était avant, dû au fait que le prix se doit d’être le plus bas du marché.”

Certaines plateformes de live-streaming permettent néanmoins de proposer une visualisation sans l’effet “promotion”. En raison de la pandémie de coronavirus, le fashion show de Shanghai automne/hiver 2020 ne pouvait avoir lieu de façon physique. Ce dernier s’est donc déroulé en virtuel sur la plateforme Tmall, suivant le principe du « see now, buy now ». Il s’agit de la première fashion-week mondiale a avoir eu lieu exclusivement de façon digitale. Les visiteurs avaient ainsi la possibilité d’observer le show et d’acheter les items de la nouvelle collection des différentes marques présentées. Entre le 24 et le 30 mars 2020, selon Alizila, le show aurait engendré plus de 11 millions de vues et 2,82 millions de dollars de commandes. Certaines marques de luxe ont choisi quant à elles de présenter leurs dernières collections et ses divers produits de façon plus sélective, uniquement à leurs clients de marque. Pour cela, ces dernières ont présenté des live-streaming via des mini-programmes sur leurs comptes Wechat.

L’engouement pour le live-streaming marketing commence à émerger en Europe. En effet, les  consommateurs millenials et GenZ, hyper connectés ont adopté les plateformes de live-streaming et stories que présentent Tik-tok (équivalent occidental de la plateforme chinoise Douyin), Instagram ou encore Facebook. Le monde du luxe semble avoir adopté le phénomène dans le cadre de ses différents fashion show que l’on retrouve en direct sur les réseaux sociaux via les influenceurs ou encore sur leurs pages propres.  Bien que la technologie « see now, buy now » ne soit pas parfaitement implémentée, celle-ci ne saurait tarder à voir le jour.

Le 21 avril 2020, le British Fashion Council a annoncé une digitalisation du prochain fashion show londonien, prévu en juin, avec la création d’une plateforme. Celle-ci pourra être utilisée par les créateurs à leur convenance avec des outils de marketing et communication sous différents formats : lives sur Instagram, posts sur les différents réseaux sociaux, conférences Zoom et ventes e-commerce. La plateforme devrait également proposer des showrooms virtuels permettant de connecter les marques aux consommateurs potentiels. Nous voyons ainsi la London Fashion Week s’emparer des nouveaux outils de communication et de marketing apparus en ce temps de crise liés à la pandémie de coronavirus mais adaptés et appliqués aux consommateurs du monde entier.

 

Si vous avez aimé cet article, l’équipe vous conseille également l’écoute du podcast de Laura PERRARD au sujet des attentes de la jeunesse chinoise. Publié le 28 janvier 2020, en plein confinement chinois, cet épisode de La Kolo permet de comprendre les mutations du retail en Chine : https://podcast.ausha.co/la-kolo-par-laura-perrard/5-comprendre-les-nouvelles-attitudes-coups-de-coeur-et-attentes-de-la-jeunesse-chinoise

Amélie Landmann – Traduction : Yuan Xin EE – Mon ami français 我的法国朋友 – Mai 2020